Posté par Véro le 10 - 04 - 2020

Aux confins du confinement # acte 4

En grande experte mécanique que je suis, j’en déduis que c’est une panne de batterie. Après avoir vainement essayé d’ouvrir le capot, je ravale ma dignité et cours chercher de l’aide à mon doux logis.

Mon fils aîné, toujours en slip, vient constater la situation : – « Ah ah t’as essayé d’ouvrir le capot pas vrai ?! Parce que là t’as juste réussi à ouvrir la trappe à essence, en fait ». Je fais fi de ses sarcasmes et accepte de bonne grâce la voiture qu’il me prête.

Je file dans les rues de Marseille avec l’étrange sensation que la ville est à moi, et j’arrive en un temps record à la librairie. C’est peu de dire que ça roule bien.

Je sors du parking et descends le Cours Julien baigné de soleil. Joyeuse et fière comme un pangolin, je marche de mon pas vif et gracieux jusqu’à la boutique.

Soudain l’incongruité de la situation me saute aux yeux: les rues sont désertes, les terrasses et les boutiques sont fermées et aucun bruit ne résonne dans ce quartier pourtant toujours très animé.

Il y a un petit quelque chose de post-apocalyptique et d’assez angoissant dans cette ambiance et ce silence assourdissant.

Heureusement, je peux compter sur mon tempérament serein, mon naturel optimiste pour m’aider à garder mon sang-froid. Ainsi, je calcule mentalement le nombre de pas qui me séparent de la librairie et j’en déduis qu’il est tout à fait possible que :

– scénario N°1: je me tords la cheville et je tombe lourdement sur la tête dans l’indifférence la plus totale. Je meurs.

– scénario N° 2: un méchant m’attaque par surprise et m’étrangle. Je meurs

– scénario N° 3 : un méchant m’attaque par surprise, j’arrive à me défendre mais il m’a refilé le Corona. Je meurs.

Franchement, je suis dégoûtée… Mourir dans ces conditions, en pleine pandémie, sachant qu’il n’y aura que trois péquins à mon enterrement, c’est pas de bol. Moi qui rêvais de funérailles grandioses, d’une foule en larmes autour de mon cercueil, avec tous ces amis, tous ces collègues de travail éplorés qui salueraient la magnifique personne que j’étais, la grande professionnelle qui … Putain je suis arrivée ! Ouf ! Je ferme la librairie à double tour derrière moi et respire un bon coup..

Me revient en mémoire ce dernier samedi où nous fûmes réunies, Gigi et moi, dans l’exercice noble de notre beau métier. On s’en était mis plein les poches d’ailleurs, puisque la fermeture des classes ayant été annoncée, tous les parents, pressentant déjà les heures sombres qui les attendaient, s’étaient précipités à la librairie pour trouver de quoi occuper leur progéniture.

Devant un tel succès, Gigi en avait conçu un plan machiavélique : « – Tu sais quoi ? Les parents voudront se débarrasser de leurs gosses ! On va organiser des ateliers tous les jours ! Même deux fois par jour, le matin et l’aprem ! On mettra l’atelier à 20 euros au lieu de 9…  non, même 50 euros. »  J’ai dû calmer les ardeurs vénales de ma chère collègue, lui rappelant qu’il serait indécent de profiter de pareilles circonstances, et qu’en outre, cet afflux inopiné d’argent risquerait d’attiser la convoitise de nos collègues.

Il est temps de me mettre au boulot, la banqueroute n’attend pas. J’allume la radio pour meubler le silence. Tandis que l’ordinateur se met en  marche, (c’est bizarre, ça me paraît super lent), j’entends cet auditeur s’extasier sur la nature qui reprend ses droits, les animaux que l’on aperçoit gambader sur des territoires désertés par l’homme…

C’est bien beau les gars, mais moi les seules bestioles que je connaisse dans le coin et qui prennent déjà bien leurs aises en temps normal, c’est les rats, les souris et les blattes géantes. (Welcome to Marseille). Alors je veux bien que les animaux soient contents, que les renards s’aventurent à l’orée des bois, et que les petites biches pointent leurs museaux dans les jardins, mais il est hors de question que la blatte prenne trop la confiance dans la librairie.

Mon écran s’allume enfin et un message d’alerte clignote en rouge (je le jure sur la tête de Gigi):

 » LE VIRUS  IDP.ALEXA.52 A ÉTÉ DÉTECTÉ SUR VOTRE ORDINATEUR . MISE EN QUARANTAINE IMMÉDIATE DE VOTRE LOGICIEL ».

 

 

 

Catégories: Librairie

2 Réponses.

  1. Marion dit :

    Et alors ? La quarantaine est elle terminée ? Ton ordinateur a-t-il survécu au virus ? Comme Pascale, je suis en haleine !
    J’espère que tu vas bien en tout cas !

  2. Véro dit :

    Je suis en train de finir un article, mais j’écris tellement de conneries…je me fais peur.
    En fait je culpabilise un peu de ne pas écrire sur les bouquins !
    Je suis libraire, merde !
    Bisous Marion 😉


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