Le petit garçon fut pris de violentes fièvres qu’aucune médecine ne parvint à enrayer. Au désespoir, la Reine décida de se tourner vers la sorcière qui vivait au fond des bois.
Sans enfants, cette dernière lui proposa un odieux marché :
-« La nature t’as donné deux fois ce qu’elle m’a toujours refusé ! Le garçon guérira si tu me donnes la fille. » La Reine resta sans voix. « Que préfères-tu ? Deux enfants vivants mais séparés, ou la mort de l’un deux? »
Pour le salut de son fils, la Reine accepta et le petite Hilde fut confiée à la sorcière qui l’éleva comme sa fille, sans toutefois lui cacher ses origines. Mais pour la dissuader de revoir les siens, elle la persuada que son retour signerait la mort de son frère.
Tandis qu’Alaric grandit en apprenant le maniement des armes et l’art de la chasse, la petite Hilde devint peu à peu cette ravissante jeune fille, solitaire et sauvage, que l’on pouvait apercevoir juchée sur un arbre, régnant en princesse sur tous les animaux de la forêt.
En l’adoptant, la sorcière l’avait en effet gratifiée d’un don, celui de se métamorphoser en n’importe quelle bête de son choix, sanglier, lièvre, cerf, afin de survivre quoi qu’il arrive dans la forêt. Ainsi les animaux la considéraient-ils comme leur sœur.
Mais ce jour arriva, où le jeune prince sur sa monture surprit la belle Hilde en train de se baigner dans la cascade. Ignorant tout de son histoire familiale, il resta subjugué par la grâce de cette apparition, tandis que la princesse, reconnaissant son propre frère, réussit à s’échapper…
Prince et princesse, sorcière, obstacle, sortilège, amour interdit… Thierry Dedieu reprend ici les éléments clés d’un beau conte classique pour nourrir cette grande histoire romanesque et tragique à souhait.
On sent peu à peu poindre le drame dans ce beau texte soutenu et travaillé qui exalte la noblesse du sacrifice.
Evidemment les illustrations de Thierry Dedieu sont une fois de plus bluffantes et magnifiques. Quatre couleurs seulement sont utilisées dans de larges aplats, le noir, le blanc, le rouge et le doré. Assez dépouillées, pleines de classe et de sobriété à la fois elles ont une force graphique indéniable et sont un écrin précieux pour le texte qu’elles prolongent avec beaucoup de style et une vraie puissance évocatrice (l’utilisation du rouge, notamment).
Wahou ! Quel travail une fois encore de la part de ce surdoué de l’illustration, qui nous surprend toujours par la diversité et l’étendue de ses compétences graphiques.
Pour les amateurs d’illustration, je vous conseille d’ailleurs la lecture du Hors Série N° 4 de la Revue des Livres pour Enfants, consacré justement aux secrets des illustrateurs.
J’y pioche ici un court extrait des propos de Dedieu: « Comme je fais des livres très différents et que je change sans cesse de façon de dessiner pour arriver à des résultats très diversifiés, je sais que je brouille les pistes, ce qui est sans doute une façon de me dissimuler. Mais j’ai envie de tout, alors je ne peux pas avoir un seul style. J’ai envie de tout remettre en jeu à chaque fois. J’ai l’appétit de tout ».
Que jamais ce bel appétit ne vous quitte, cher Thierry Dedieu.
« La princesse au bois se cachait ». Texte et illustration Thierry Dedieu. Editions du Seuil.18,00 €