C’est ainsi qu’en janvier naquit en librairie la collection Polynie.
Et là, alors que je m’apprêtais à me lancer dans une chronique dithyrambique, je dois par votre faute m’arrêter dans mon élan et vous poser une question qui me brûle les lèvres : qui parmi vous connaît la définition du terme « polynie », hein ?
Alors, des réponses ? Non ? J’en étais sûre ! (bande d’ignares). Donc pour votre gouverne, sachez que les polynies (nom féminin) désignent des zones plus ou moins grandes que l’on trouve sur la banquise et qui restent libres de glace, se reformant chaque année au gré des vents et des courants qui les modèlent.
(Elle est fraîche ma culture, elle est fraîche).
Voyez donc la belle analogie littéraire que nous pouvons faire avec la collection MeMo qui nous propose ici un véritable petit espace de liberté et de respiration.
Non la glace n’y aura pas prise, pas plus que les faux-semblants, les textes de commande et le prêt-à-penser.
Et c’est bien de liberté d’ailleurs dont il est question dans ce premier roman, « La petite épopée des pions ».
Ils vivent tous sagement rangés dans une joli coffret en bois de rose et s’appellent tous Sasha. Il y a les noirs, il y a les blancs et une Main qui parfois les sort de leur boîte pour les déplacer sur un grand damier.
Là encore chacun à sa place et les pions noirs n’empiètent jamais sur la couleur des autres, pas plus que les blancs ne quittent leurs cases blanches. C’est ainsi et c’est très bien ainsi. Les pions se trouvent déjà si chanceux de pouvoir circuler dans le Géant-Monde !
Il paraît même qu’un jour un Sasha est tombé de la table et a roulé très loin sur le tapis jusqu’à ce que la Main le récupère. Et il a eu très peur mais aussi une foule de choses à raconter encore et encore aux autres pions du coffret. Depuis on le surnomme Sasha-le-héros et on se repait encore et encore de ce fabuleux récit d’aventures.
Et puis il y a Sasha, un autre, qui rêve de plus, qui rêve plus grand: -« Quand on veut, on peut ! s’enhardit Sasha. je vais quitter la boîte … et il est même possible que je ne revienne pas ».
Les autres n’en croient pas un mot bien sûr et se moquent de lui. On le surnomme Sashalluciné et l’on se rend compte qu’il a toujours été un peu bizarre de toute façon, avec son petit défaut sur la tranche…
La chance ne sourit qu’aux audacieux et c’est un incroyable concours de circonstance qui va précipiter le destin de notre Sasha. Un jour la boîte est violemment secouée et renversée entièrement sur une moquette multicolore. Là c’est une petit Main qui va s’emparer des pions et les peinturlurer de toutes les couleurs. Perdus et complètement désarçonnés, les pions affrontent ce coup du sort avec beaucoup d’inquiétude.
Sashalluciné lui, semble serein et il y croit encore très fort à ses envies d’ailleurs, peut-être même plus que jamais..
Le temps passe sur la moquette multicolore et l’impensable se produit : -« Sashalluciné rêva si fort qu’un matin, tandis que les premiers rayons du soleil se faufilaient dans la pièce, il s’aperçut qu’il avait deux jambes ».
Et l’aventure put commencer…
Épique, nous promettait le titre ? Oh que oui et pas qu’un peu ! Un héros qui fait rêver tout un peuple, des obstacles, une quête et le dépassement de soi, voici les ingrédient principaux de ce court récit auquel Audren apporte encore sa fantaisie, son grain de sel philosophique et sa jolie plume.
Est-on condamné à rester à la place qui nous a été assignée, asservi à cette grande main du destin qui décide pour nous ?
Les rêveurs, les fous, les utopistes ne sont-ils pas là pour nous ouvrir une autre voie ?
Sous couvert d’aventures et de rocambolesque, ce sont tous ces thèmes qui sont abordés dans ce court premier roman aux allures de fable.
Les illustrations en noir et blanc sont parfaitement réussies et en belle harmonie avec le texte. Elles évoquent un peu l’univers graphique d’Alice au pays des Merveilles et apportent au roman de belles envolées oniriques et poétiques. C’est qu’on étouffe un peu dans ce petit coffret en bois de rose !
« Sasha-la-Raisonnable finit par lancer : – Je me demande si ce n’est pas ça la vraie vie, finalement. L’aventure, la surprise, la nouveauté, le désordre, le risque… Ah! Je crois que je regrette de ne pas avoir ce qu’il faut moi aussi, pour explorer le monde. Il me manque sans doute cette envie d’apprendre des choses… »
Mais de curiosité vous n’en manquez point, amis lecteurs, je le sais.
C’est pourquoi je vous enjoins à suivre de près cette nouvelle collection qui a d’ailleurs fait paraître simultanément un autre titre « Truffe et Machin » (inventif, joyeux, décalé et bourré d’imagination) à lire dès 8 ans et nous promet aussi des romans pour les plus grands. Quelle bonne idée !
Pour ne rien rater, je vous invite à lire, outre mon blog bien sûr, le blog de la collection des Polynies, qui vous dévoilera les coulisses de la création.
« La petite épopée des pions ». Texte d’Audren. Illustrations de Cédric Philippe. Editions MeMo. Collection Les petites Polynies. 8.00 €
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