En attendant, croyez-le ou non, cette vitrine très à gauche à propos dépote du feu de dieu !

– C’est fou, ça marche encore mieux que le caca ! se réjouissait Gigi, des billets plein les mains.

Elle a raison la bougresse: force est de constater que nos vitrines phare sont celles sur le caca, la sexualité et la politique.

Si ce n’était cette classe naturelle qui fait tout mon charme, je serais d’ailleurs à deux doigts d’en tirer des conclusions salaces mais n’ayez crainte, je sais me tenir (quand je suis à jeun) et je resterai donc fidèle à ma ligne de conduite : le raffinement en toutes circonstances.

Ceci étant, parlons peu parlons bien : c’est quoi pour vous être français ? Est-ce que comme Tovi vous pensez qu’être français c’est être blanc ?

J’espère bien que non ! Tovi lui est un enfant et il se mélange parfois un peu les pinceaux dans ses réflexions.

Heureusement Madame Okili la maîtresse a toujours les bons arguments pour remettre les choses dans l’ordre avec clarté et bienveillance : « Un français peut être brun comme Brahim ou roux comme Tovi. Un français peut avoir les yeux bridés comme Chizuko ou les yeux ronds comme Malwen. Un français peut s’appeler Guillaume comme Guillaume ou Andji comme moi. Être français ça n’a rien à voir avec tout ça ».

C’est sûr que ça va mieux en le disant mais il y a encore un détail qui chiffonne la petite Miradie : la maîtresse a la peau noire, tout comme elle, alors elle vient d’Afrique c’est sûr !

Perdu! Puisque la maîtresse est née en France et ses parents eux aussi sont nés en France.

Et Madame Okili d’en profiter pour expliquer d’où vient le mot « France », d’un peuple qui arrivait d’un autre pays du nord et qui s’appelait les Francs ?! Incroyable !

Il n’en faut pourtant pas plus pour réconcilier tout le monde avec ses origines ! « Mais alors…dit Miradie. Le mot « la France » il est comme moi ! Il vient d’un autre pays ! Mais c’est trop bien ! Vive la France ! »

Non, vous ne rêvez pas, dans ce petit livre de première lecture la dame noire n’est ni femme de ménage, ni cantinière, ni nounou ….. elle est maîtresse d’école ! Dingue ! Quelle audace, non ?

Il est comme ça Thierry Lenain, il aime bien bousculer les clichés  et c’est ce qu’il fait une fois encore dans cette petite collection citoyenne « Le jour où », qui aborde frontalement de vraies questions de société.

On sait que les enfants ne s’encombrent pas de faux-semblants ou de détours et c’est ce naturel sans a priori que l’auteur semble avoir utilisé pour mettre sur la table des thématiques aussi brûlantes que la nationalité comme ici, ou encore la laïcité avec la deuxième parution « Le jour où on a mangé tous ensemble ».

Imaginez en effet le casse-tête que représente l’organisation d’un pique-nique de classe quand l’un ne mange pas de porc, l’autre ne mange que halal et la troisième ne s’autorise que du poisson le vendredi…Un zeste d’imagination et de bonne volonté suffisent pourtant à tout régler pour partager un chouette moment.

Dans ce format de poche aux illustrations joyeuses et colorées, Thierry Lenain trace le sillon de son engagement en littérature jeunesse, proposant des textes qui ouvrent le débat et invitent les enfants à dépasser les clichés et les archétypes véhiculés parfois par leurs aînés.

En ça la figure bienveillante de la maîtresse comme modératrice est tout à fait bienvenue, c’est elle qui suscite les questions, fait circuler la parole et accompagne en douceur le cheminement des enfants. Aucun tabou dans les interrogations, les discussions et du coup les dialogues, toujours à hauteur d’enfant, n’en sont que plus pertinents et savoureux.

Une collection citoyenne pleine d’enseignements et de fraîcheur à savourer dès 7 ans et à proposer dans toutes les bibliothèques de classe !

Deux titres parus :  » Le jour où la France est devenue la France » / « Le jour où on a mangé tous ensemble ». Texte de Thierry Lenain. Illustrations de Thanh Portal. Editions Nathan. Collection Premiers romans. 5.90 €