Vous ai-je déjà dit que j’adorais les albums avec des titres bizarres ?
Et aussi que j’aimais particulièrement entrer dans une histoire avec l’impression qu’elle a déjà commencé et que je la prends en route.
Avec une fin qui n’en est pas vraiment une, comme si tout continuait après moi une fois le livre refermé.
Un peu comme quand on est mort en fait.
Et voilà que ma dépression me reprend, c’est dingue ça !
Dans cet album il est question de mort un petit peu quand on pense au papy qui n’est plus là mais dans les pensées de chacun et puis il est surtout question de vie avec tous ces enfants à la maison qui rigolent, se disputent, traînassent, chantonnent, jouent aux jeux vidéo, aux cartes, font des miettes et imitent le coucou.
Ils s’appellent Mats, Ellen, Olof ou Karim. Ils ont 4 ans, 6 ans ou peut-être 3 ans.
Sont-ils frères et sœurs, cousins cousines, ou juste amis ? Peu importe ils sont un peu tout ça à la fois, ce sont des enfants, quoi.
Ils viennent d’une grande famille toute recomposée, avec des papas et des beaux papas, des mamans et des deuxièmes mamans, des oncles, des tantes, des amoureux et des amoureuses qui passent.
Et puis à les voir traîner comme ça dans leurs pattes, les adultes en ont marre et les envoient dehors :
– « Sortez parmi les fleurs au soleil, crie tante Zaïda. Sortez dans l’herbe, je vous prie implore grand-père. Allez ramasser des champignons, ce que vous voulez ! La nature est la plus belle chose qu’on ait s’écrie maman. »
Allez ouste, toute le monde dehors ! Ca râle un peu pour la forme mais très vite tout le monde est bien content de patauger dans le ruisseau, des grimper aux arbres ou de courir dans l’herbe.
Et après ? Après il faudra rentrer, manger, se brosser les dents, ranger un peu, se chatouiller beaucoup et se mettre au lit, enfin.
– « On s’appelle Anna, Amina, Theodor, Fiona et Zafir. Des noms qui commencent par K ou finissent par Rousseau. On a quatre ans, six ans, bientôt trois. Ou cinq. On a un grand-père qui est mort et un chien qui est vivant ».
C’est un album étrange, tant par son texte entêtant que par ses illustrations peu communes, mais quand on s’y attarde un peu on goûte à la petite musique douce-amère de l’histoire et on apprécie la composition très raffinée du travail graphique où se mêlent collages et dessins.
Il est ici question d’un quotidien, très répétitif, très ritualisé mais aussi très rassurant.
En même temps c’est un véritable hymne à la liberté qui nous est proposé, avec l’image d’ une famille moderne, des enfants de toutes les couleurs, un joyeux bordel à l’intérieur et même des saisons qui se mélangent à l’extérieur.
Beaucoup de choses sont dites, l’air de ne pas y toucher et j’aime beaucoup cette décontraction paisible, cette poésie un peu décalée qu’il me semble souvent retrouver dans les albums scandinaves.
N’est-il pas ?
« On fait des miettes, on imite le coucou ». Texte de Lina Ekdahl. Illustrations d’Emma Hanquist. Traduit du suédois par Aude Pasquier.
Editions Cambourakis. 14,00 €