On ne présente plus Maurice Sendak, grande figure de la littérature jeunesse, célèbre auteur du fameux Max et les Maximonstres, mais pas que.
En revanche, vous ne connaissez peut-être pas Ruth Krauss, pourtant de très grande renommée outre-atlantique (quels benêts vous faites), née en 1901 aux Etats-Unis, qui était à la fois auteure et illustratrice, également célèbre pour ses recueils de poésie. Bon nombre de ses albums ont été illustrés par Sendak mais très peu ont été traduits.
La bonne nouvelle c’est que les éditions MeMo ont été choisies par la Fondation Sendak pour rééditer des ouvrages depuis longtemps épuisés ou même jamais parus en France.
Ainsi la collection Les Trésors de Sendak a-t-elle été inaugurée au mois de juin dernier par la parution de l’album « La fenêtre de Kenny » et la voici complétée en ce mois de septembre par la sortie du titre « Un trou, c’est pour creuser », initialement paru outre-atlantique en 1952.
A l’époque, Ruth Krauss a donc eu l’idée de partir à la rencontre d’enfants dans des classes maternelles, leur demandant de choisir un objet ou un sujet quelconque et de le définir avec leurs mots, le plus simplement possible, en expliquant par exemple l’usage qu’ils pouvaient en avoir.
Cela nous donne ce petit recueil d’aphorismes absolument charmants, tantôt d’une implacable évidence, tantôt d’une désarmante poésie. Voyez plutôt:
– La figure c’est quelque chose qu’on a sur le devant de la tête.
– Les sourcils c’est pour mettre sur les yeux.
Puis il y a aussi : – Les petits cailloux c’est pour que les petits enfants les prennent et les mettent en petits tas.
Ou encore -Un gros ventre c’est bien pour pas mettre des miettes par terre.
C’est pas faux tout ça…
Sans compter que – Les mains c’est pour faire des choses et ceci me paraît parfaitement explicite.
Attardez-vous sur les illustrations joliment désuètes de Sendak, vous y découvrirez tout le mouvement qui anime ces minuscules dessins, vous goûterez à la jovialité toute enfantine qui émane de chacune des saynètes.
Rajoutez à cela le tendre vert-amande de la couverture, le petit format intimiste de l’ouvrage et vous aurez une idée de la savoureuse pépite que le travail patrimonial des éditions MeMo a permis de mettre à jour.
La parole enfantine, fragile et éphémère, nous est livrée ici dans toute sa fraîcheur, balançant entre absurde et poésie.
D’où l’importance du travail de traduction de Françoise Morvan qui a dû s’arracher quelques cheveux pour restituer la saveur naïve de ces définitions.
N’hésitez pas à le bouquiner avec un tout-petit de 3 ans sur les genoux, et soyez sûrs qu’il vous donnera lui aussi sa propre version !
Sur ce je vous laisse en espérant que demain il fera beau parce que le soleil, c’est bien pour faire une belle journée.
« Un trou, c’est pour creuser. Mon premier livre de définitions premières ». Texte de Ruth Krauss. Illustrations de Maurice Sendak.
Traduction de Françoise Morvan. Editions MeMo. Collection Les Trésors de Sendak. 14 €.