illustrations@alexandrahuard
Si vous êtes, ce dont je ne doute pas, un lecteur assidu et attentif de ce blog, le nom de Alexandra Huard devrait vous rappeler de bons souvenirs, puisque je l’avais déjà évoqué en chroniquant cet album-là, que nous avions beaucoup aimé à la librairie.
Étrange idée que de choisir une méduse pour personnage central, d’autant que la bestiole est souvent mal aimée, pourtant au fil de l’album la magie opère et l’évidence est là.
Cette méduse translucide, vaporeuse et tellement élégante, est bel et bien chez elle dans ces fonds marins vibrants de couleurs.
Elle tournoie, s’allonge, virevolte, déploie sa large corolle et ses longs filaments pour un ballet aquatique unique et plein de grâce :
-« Je vogue, je flotte, m’évase et dérive, évitant de m’envaser. Je ricoche et j’effiloche mes froufrous au fil des flots. Je trousse mes jupons transparents, pas trop tout de
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même ! Il ne faut pas montrer mes jolis dessous, juste le frisottis de mon tutu. »
Dans cette ronde sous-marine, la méduse se laisse aller au fil des flots, sans penser ni réfléchir. Et pour cause elle n’a ni cerveau ni cœur. Quatre-vingt-dix-huit pour cent d’eau compose sa fragile silhouette évanescente.
Alors quand elle enserre d’un baiser brûlant les jambes ou les bras des nageurs imprudents elle n’y est pour rien. C’est que ses longues tentacules vénéneuses ont flotté trop loin.
« Ne pleure pas petites fille ! Ne pleure pas ! Je ne l’ai pas fait exprès. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Je ne suis qu’une méduse rose, une guimauve marine, marshmallow des mers, champignon de gélatine. »
Trop tard, la blessure piquante de la petite fille a déclenché les foudres de son papa qui va sortir la méduse de l’eau avec son épuisette et la jeter sur le sable comme un vulgaire tas informe.
Elle, si belle et si gracieuse, tellement redoutée lorsqu’elle est dans l’eau, se retrouve avachie et toute chiffonnée sur la plage, exhibée aux regards des vacanciers curieux.
Les crabes commencent à lui grimper dessus, le soleil est sur le point de la dessécher, mais la petite fille qui a été piquée se prend de pitié pour la méduse et la remet bien vite à l’eau où la belle peut à nouveau se déployer, s’épanouir et reprendre sa danse vaporeuse, son ballet des grands fonds.
Quelques années plus tard, aux abords de la même plage, les deux se retrouveront, méduse et jeune fille dans un tête à tête plein de promesse.
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Cet album poétique et gracieux peut se lire comme une sorte de conte écologique où chaque élément trouve sa place dans la chaîne des êtres vivants. On y parle en filigrane de la pollution des océans mais aussi du rapport privilégié que les hommes peuvent entretenir, s’ils s’en donnent la peine, avec la nature et les animaux.
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Le texte très fluide fait parler la méduse, jouant subtilement avec le velours des allitérations.
On est époustouflé évidemment par le travail d’illustration d’Alexandra Huard qui déploie ici une palette de couleurs magnifiques et vibrantes.
Tout est parfaitement rendu, avec un souci extrême du détail, les algues, les coraux, les multitudes de poissons et autres petites bêtes qui peuplent les mers, sans parler des fonds travaillés à l’aquarelle et aux encres de couleurs qui déclinent mille et une nuances en transparence.
L’effet est spectaculaire, envoutant et raffiné avec un petit je-ne-sais-quoi de japonisant dans le trait que l’on voit rehaussé par cette incroyable couleur presque fluo qui balance entre le rose et l’orangé… Magnifique ! Voyez plutôt :
Ce superbe petit film d’animation vous aura sûrement convaincus !
Un album lumineux et un beau cadeau d’été à s’offrir et à offrir aux enfants dès 4 ans.
« Je suis la méduse ». Texte de Béatrice Fontanel. Illustrations d’Alexandra Huard. Editions les Fourmis Rouges. 17,90 €
