Je crois, je suis même persuadée, que les ateliers proposés par les illustrateurs se sont super bien passés.
Pour ce qui est de la librairie, oui nous avons vendu. On n’a pas vraiment vendu des livres, on a vendu du bouquin au prix, à la chaîne, au kilomètre.
Le tout financé par des chèques-lire gracieusement distribués sur la plage à des gens qui n’en demandaient pas tant.
Profitez messieurs-dames, il vous reste une petite heure avant que la libraire ne remette tout en carton.
C’est comme ça qu’il se sont bousculés devant le stand à prendre des bouquins au hasard, juste en regardant le prix, trop heureux de l’aubaine d’autant qu’ils repartaient en plus avec un super sac en tissu dont ils pourraient se servir le soir même pour mettre leur maillot mouillé, par exemple.
Elle est pas belle la vie ?
« Il faut vous sécher un peu avant de toucher les livres ».
« Non Monsieur, vous ne pourrez pas utiliser ce chèque au Mac Do ».
« Oui Madame si vous y tenez vous pouvez le garder pour la FNAC ».
« Non Mademoiselle, je ne peux pas vous donner de l’argent en échange ».
Comment vous dire à quel point, sans avoir l’air de cracher dans la la soupe, ces échanges m’ont paru improbables et surréalistes. A quel point je ne me suis pas sentie à ma place, ni dans mon métier.
J’ai du mal à exprimer ma pensée … mais j’ai eu l’impression de participer à une mascarade culturelle qui a dû certainement coûter assez cher.
Au risque de passer pour une snob, je ne pense pas que cette façon là de procéder soit la bonne pour attirer des non-lecteurs vers la librairie.
Nous, travailler avec des publics qui n’ont pas accès aux livres, bosser avec des centres sociaux, recevoir des écoles de quartiers défavorisés, des primo-arrivants, on le fait toute l’année à la librairie; ça fait partie du cœur de notre métier.
Et si on avait de l’argent pour le faire encore mieux, je vous jure qu’on saurait comment l’utiliser. On aurait même besoin de jolis sacs en tissus estampillés aux couleurs de la Boîte à Histoires, mais à l’heure qu’il est on n’a pas les moyens de les faire fabriquer.
Et puis laisser croire aux gens comme ça que le livre est gratuit, grâce à un petit carnet bleu tombé du ciel … est-ce que ça va vraiment servir la cause des librairies indépendantes ?
Sur ce elle est arrivée comme une fleur, Pellerin.
Gracieuse et très souriante.
Elle s’est frottée les mains (signe universel du commerçant satisfait) et avec un petit regard complice elle m’a dit : « Alors ? On dirait que les affaires marchent bien ?! »
Ouais …..
Il ne nous reste plus qu’à nettoyer les bouquins un par un. Ils sont tout poisseux de sable et de crème solaire.
Et puis demain on passera à autre chose.