Ce fameux monstre Lachlan va l’apercevoir un soir, en même temps que Daffodil, l’étrange fille aux yeux mauves dont il est tombé amoureux.
Tout le monde au collège la surnomme l’Anormale, la cinglée, la chauve, sans doute à cause de cette manie qu’elle a de s’arracher nerveusement des bouts de sourcils, des touffes entières de cheveux.
S’il l’aime comme il le prétend, Lachlan aurait dû la défendre, l’appuyer, crier haut et fort que lui aussi avait aperçu la créature des profondeurs.
Mais il n’a rien fait. Par honte, par peur, par lâcheté.
Pour ne pas se retrouver la cible du terrible Edward et sa bande de suiveurs, tortionnaires par mimétisme.
Cette bande, Lachlan en faisait partie il y a encore quelques mois, avant sa rencontre avec Daffodil qui la définitivement éloigné du reste des collégiens.
Mais une violence sourde éclate contre Daffodil-la-folle et Lachlan. Bientôt le jeune-homme, le jeune Indien, le Peau-Rouge se trouve en butte à des insultes racistes, des menaces, des tentatives d’intimidation.
Avec son grand talent de raconteurs d’histoires, son sens de l’intrigue et son style impeccable (rappelez-vous ici !) Jean-François Chabas, nous livre une fois encore un roman étrange, envoûtant et haut en couleurs où sont disséqués les travers de l’âme humaine.
Les personnages sont campés avec beaucoup de justesse et de nuances; notamment celui très prégnant de la mère, indienne dans le cœur et dans le sang, qui par esprit d’orgueil et de vengeance s’est tenue éloignée des siens, ne laissant à son fils que les contours flous d’une identité pourtant très forte.
« Je n’avais pas de camp, aucun parti. Pour les Blancs j’étais Indien, et pour les Okanagan je ne représentais rien, puisque maman m’en avait tenu absolument à l’écart. J’étais un des seuls élèves provenant des nations natives, au collège, parce que beaucoup d’entre eux étaient scolarisés dans la réserve. Jusqu’à maintenant je n’y avais jamais sérieusement réfléchi. Rien de tel que d’être insulté à cause de sa couleur de peau pour donner un sentiment d’appartenance. »
Malgré quelques inflexions parfois moralisatrices, reste un très bon roman dépaysant à souhait, nourri de culture amérindienne, servi par une plume délicate et non dénuée d’humour.
Oscillant avec grâce entre le conte fantastique et le récit intimiste, ce roman interroge notre part d’humanité, notre identité, en mettant à jour la part sombre de nos âmes.
À lire et à faire lire dès 13 ans !
« Les rêves rouges ». Texte de Jean-François Chabas. Editions Gallimard. Collection Scripto. 11,90€