Eben est un jeune namibien recueilli et élévé par son oncle Isaac, un homme cultivé et rebelle dans l’âme qui se bat pour que l’histoire de son pays ne soit jamais tue. « Lire, apprendre, comprendre, pour se révolter ».
Comme son oncle dont il se sent très proche, Eben porte la fierté de son peuple mais aussi la douleur des injustices et des drames qui ont déchiré son pays.
« La Namibie est un pays immense mais très peu peuplé: une terre de déserts, bordée par les eaux froides de l’Atlantique; deux millions d’habitants, et dix fois plus d’animaux : ici les riches viennent du monde entier pour chasser, ou faire des photos. Nulle part au monde m’a dit Isaac, l’écart n’est aussi grand entre les plus pauvres -noirs en général- et les très riches -blancs le plus souvent. »
Sa particularité c’est cette rage qui l’habite et aussi ces yeux bleus incroyables qui ont failli le rendre fou, qu’il a voulu s’arracher quand il en a compris l’origine.
C’est qu’Eben porte en lui les traces d’une histoire sanglante, celle de son pays la Namibie où les deux ethnies principales, Namas et Hereros, connurent l’un des génocides le plus sanglants du XX ème siècle.
En 1900 ce pays d’Afrique de l’Ouest a été colonisé par l’Allemagne et ce fut des milliers et des milliers d’allemands qui débarquèrent pour s’installer et s’enrichir, faisant comme si les Namibiens n’existaient pas, violant, pillant et saccageant sans vergogne.
C’est en 1904 que l’horreur monte d’un cran avec la nomination du Général Von Trotha qui ne va laisser qu’une alternative à la population: mourir de faim et de soif dans le désert de Kalahari ou être assassiné immédiatement à coups de baïonnette.
Ce sont des dizaines de milliers de Hereros qui périrent ainsi dans le désert tandis que les autres subissaient les pires sévices, les femmes notamment. C’est ainsi que les descendants des colons allemands sont désormais plus nombreux que les deux ethnies d’antan.
Les yeux bleus d’Eben viennent de là, comme avant lui ses aieux. Et même si l’histoire de son peuple semble avoir disparu des radars, Eben écrit pour la faire resurgir, pour venger les morts.
« En Namibie, rien ne rappelle le génocide des Hereros et des Namas. Aucun plaque, aucun monuments aux morts, aucune trace. Tout a été détruit, brûlé, effacé. Mais les Allemands eux, sont toujours là… En ville (…) trône une immense statue de bronze: un officier allemand en uniforme dressé sur son cheval, un fusil à la main, qui rappelle furieusement von Trotha ».
Ce soir là Eben est bien décidé même symboliquement à faire justice …
Un récit cru, ardent et poignant, porté par un rythme incantatoire. C’est d’autant plus bouleversant quand on comprend que ce génocide a été en quelque sorte le terrain d’expérimentation, le fondement de la future politique d’extermination du III ème Reich. Incroyable qu’une telle page d’histoire soit si peu présente dans la mémoire collective.
Bon je vous l’accorde ce n’est pas gai gai, mais c’est aussi ça la littérature et on ne peut que saluer le travail de recherche et d’enquête de l’auteure, Elise Fontenaille-N’Diaye, qui s’attèle souvent à des sujets historiques forts.
Je pense à ce titre là et aussi celui-ci qui valent vraiment le détour pour les ados et les adultes bien sûr.
La prochaine fois, promis, j’essaierai de choper Closer pour faire un article plus rigolo.
« Eben ou les yeux de la nuit ». Elise Fontenaille-N’Diaye. Editions du Rouergue. Collection Doado. 8,30€
« Blue Book ». Edtions Calmann-Lévy. 17 €
Merci Véronique ! ( la prochaine fois j’écris un roman d’amour – promis !
Je le lirai aussi avec grand plaisir 😉
( enfin un roman d’amour noir toutefois – on ne se refait pas