Si vous décidez d’ouvrir cet album il faut vous attendre à perdre tous vos repères. Préparez-vous tel le funambule à une traversée sans filet dans un univers onirique où l’imagination et les sensations seront vos seuls guides.
Le petit gars du début n’arrive pas à trouver le sommeil … est-ce le hibou derrière la fenêtre qui l’aurait réveillé ? Le voilà qui se lève et part dans la nuit.
Il traverse d’abord une sombre forêt pour atterrir devant une étrange maisonnette rougeoyante. Dedans c’est un ogre, immense et poilu, qui est attablé et déguste ce qui semble être, selon toute vraisemblance, un festin de poils… Le petit homme va en manger une fourchetée et c’est une petite barbichette noire qui lui pousse au menton.
La balade nocturne se poursuit jusqu’à une autre maison où un étrange homme chauve-souris est accroché par les pieds au milieu de parapluies noirs. Le petit homme s’en empare d’un qui lui servira de parachute pour survoler des océans, des gratte-ciels et des banquises.
Les rencontres seront multiples, étranges (des personnages mi-oiseaux, mi-humains, des chasseresses, des chats et une femme au regard hypnotique) et le petit bonhomme devra souvent échapper au danger, trouver des solutions, jusqu’à ce retour enfin dans sa chambre, dans son lit. Et déjà le soleil se lève.
Cet album sans parole enchaine des tableaux hypnotiques aux couleurs profondes et inquiétantes qui baladent le lecteur dans le monde des songes. Le rythme est effréné, menaçant sans cesse de nous faire basculer du rêve au cauchemar. Dans cette fantasmagorie nocturne mâtinée de surréalisme, l’étrangeté s’invite à chaque page avec ce petit soupçon d’angoisse qui peut nous étreindre quand l’obscurité s’annonce.
Je ne connaissais pas du tout Ronald Curchod, ce graphiste et affichiste suisse qui travaille principalement pour la presse. Son incursion en littérature jeunesse est tout à fait réussie. L’album mérite certainement plusieurs lectures pour en découvrir toutes les clés et je le verrais plutôt entre les mains de grands enfants, vers 8 ans et pour les insomniaques de tous poils.
« La nuit quand je dors… ». Ronald Curchod. Editions du Rouergue. 18,00€