Claire a huit ans et traîne son ennui et sa solitude entre des parents tellement accaparés par leur quotidien qu’ils semblent presque l’en oublier. Ses pas l’amènent parfois vers une sorte de décharge, pas très loin de la maison, où bizarrement la petite fille se sent bien, aimant glaner ça et là des petits trucs utiles à ramener dans sa chambre.
Ce jour là son regard va être aussitôt attiré par un éclat brillant. En s’approchant, Claire découvre un fragment de miroir découpé en forme d’étoile irrégulière. En plongeant ses yeux dedans, la petite fille aperçoit dans le reflet un ciel bleu azur lumineux, traversé par un aigle majestueux. Des gouttes de pluie pourtant commencent à tomber et en levant les yeux Claire ne voit rien d’autre que des nuages gris…
Intriguée, elle emporte le fragment de miroir pour s’apercevoir quelques instants plus tard que le miracle se reproduit, juste devant sa maison : « Elle inclina le miroir pour en voir d’avantage: à la place des vilaines fenêtres carrées de chez elle, il y en avait de toutes formes, cintrées, rondes, ovales, hexagonales, et elles étaient entourées d’un treillage métallique au dessin complexe et extraordinaire »
S’ouvrant à sa mère de cette trouvaille incroyable, la petite fille s’aperçoit bien vite qu’elle n’y voit là qu’un vulgaire morceau de verre, bon à jeter. Serait-elle la seule à voir le monde autrement ?
Durant des années, ce morceau de miroir va accompagner Claire, lui permettant de magnifier son quotidien, lui donnant à voir une réalité plus douce que la vraie vie. Souvent déçue par les adultes, la lâcheté et l’injustice ambiante la jeune-fille va grandir pourtant, acceptant peu à peu de s’ouvrir aux autres et délaissant petit à petit son objet fétiche.
Un récit intrigant et profond qui aborde mine de rien des thèmes assez forts: le renoncement, le temps qui passe et le fin des illusions, l’enfance qui s’échappe et le merveilleux qui s’estompe.
Si le ton général est assez neutre, plutôt factuel, le roman est égayé par des illustrations oniriques de Chiara Coccorese. Son travail de photos et d’illustrations saturées de couleurs composent des scènes savoureuses, à l’image de ce que Claire aperçoit dans son miroir, un savant mélange de kitch assumé et de surréalisme un brin cocasse.
J’ai beaucoup aimé pour ma part ce contraste texte-images, de même que le dénouement très chaleureux de cette parabole qui nous invite à réinventer le monde et me réconcilierait presque avec l’humanité.
« C’est l’un de mes livres les plus politiques, même si je lui ai donné la forme d’un conte de fées ».
A partir de 10 ans.
« Le Miroir brisé ». Texte de Jonathan Coe. Illustrations de Chiara Coccorese. Editions Gallimard jeunesse. 12.50 €.