La vie morne et sans saveur de ses parents Quentin n’en veut pour rien au monde. Lui, ce qu’il voudrait c’est partir, bouger, voir ailleurs, tout quitter pour devenir un autre. Mais il y a aussi sa petite sœur et son pote Dylan…
Dans le nouveau lycée tout est à réapprendre, nouveaux rapports, nouveaux codes, nouveaux profs. Quentin doit réussir à s’intégrer mais tout ce beau monde, ces gosses de riches, bourgeois et policés lui paraissent bien loin de son univers. Lui est stigmatisé comme le mec à problèmes, le type à surveiller… Des deux côtés les clichés vont bon train.
Madame Fernandez, la prof de français mordue de théâtre va le sortir de sa torpeur. C’est elle qui lui propose sans trop lui laisser le choix de venir répéter toutes les semaines une pièce de Tennessee William, La Ménagerie de Verre. Avec un rôle à la clé peut-être à la fin de l’année.
« En classe vous jouez. Constamment. Tous. Vous avez vos petits rôles que vous vous êtes distribués, ou que d’autres vous ont distribués. Et vous vous jouez la comédie toute la journée. L’intéressant, Silber, chez vous, c’est que le changement d’établissement vous a poussé à changer de rôle. C’est comme une mue, pour les reptiles. Vous êtes le même mais vous avez été obligé d’abandonner votre vieille peau à l’extérieur. Par moment, ça doit tirer et être douloureux, mais c’est avec la douleur et le souvenir de la douleur qu’on fait du bon théâtre, n’est-ce pas ? »
Est-ce le charisme de cette prof passionnée ou l’étrange écho que Quentin ressent à la lecture de la pièce, toujours est-il qu’il accepte sans trop savoir pourquoi. Cette expérience théâtrale va bouleverser sa vision des choses et lui ouvrir de nouvelles perspectives amicales, amoureuses et personnelles.
« Tout au fond de moi une partie de mon être n’a plus envie de partir en courant à l’autre bout du monde – mais de se battre. D’affronter. Le public. Les parents. Les profs. Les élèves. Les spectateurs. Julie (…) Et le texte. Surtout le texte ».
Un roman subtil où le thème du double jeu balaie diverses thématiques : la confrontation de deux réalités sociales, l’ambigüité des sentiments, l’adolescence qu’on laisse derrière soi, le personnage que l’on se crée en société, l’acteur et son double.
C’est finement vu et rendu très vivant par la narration à la première personne. Quentin nous fait part de ses sentiments, de ses doutes et de ses réflexions sans se départir d’une légère ironie qui fait tout le charme du personnage. Cette immersion dans la tête d’un adolescent semble très réaliste; pour autant Blondel ne verse pas dans un faux langage de djeuns souvent assez barbant à la lecture. La langue est ici sobre et maitrisée et touche au plus juste des émotions.
Une belle découverte dans cette rentrée littéraire ado riche en pépites !
« Double Jeu ». Texte de jean-Philippe Blondel. Actes Sud Juniors. 11€.