En 2012, Martin Jarrie a été accueilli en banlieue parisienne avec comme projet un travail autour de la ville et ses habitants. Il en ressortira l’idée de portraits .
Quinze personnes se sont donc prêtées au jeu en proposant aussi à l’illustrateur un objet fétiche qui a marqué leur vie d’une manière ou d’une autre.
Ont-elles également confié à François Morel des bribes de leur existence ou bien les a-t-il entièrement imaginées, réinventées ?
On ne sait pas vraiment mais après tout peu importe puisque la magie opère, puisque tous ces souvenirs font écho aux nôtres, avec leur cortège de désillusions, de petites joies et de blessures secrètes.
Marie-Claire : « Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? J’ai perdu ma grand-mère. J’ai perdu des clefs, ma carte bleue, un pull-over, mon portefeuille, mon sang-froid. J’ai retrouvé des vieux copains de classe sur internet. J’ai aujourd’hui des tas d’amis que je ne connais pas. J’aime. J’aime pas.(…) Je me réinvente. Je me photoshop. Je retouche ma vie. J’adopteunmec. Je meetic. Je speedflirt. J’ai une double, une triple vie. J’ai mille vies. Quand les enfants rentrent du collège, je leur dis de ne pas passer tout leur temps devant l’ordinateur ».
Les peintures réalistes de Jarrie sont magnifiques. Visages fermés ou souriants, les gens semblent saisis dans leur intime vérité, sans faux-semblant, comme s’ils étaient en totale confiance.
Les textes de François Morel sont des petits bijoux, ciselés, du sur-mesure pour chacun, restituant avec des mots simples et beaucoup de finesse la poésie quotidienne ou la difficulté de ces vies ordinaires.
Christine (assistante sociale): « Qu’est-ce que je peux faire ? Je ne peux pas toute seule répondre à la détresse du monde. Quand je lui ai demandé de remplir un formulaire -j’étais obligée, il faut bien observer les consignes- il m’a traitée de salope, de connasse, de putain. Le directeur est intervenu. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai arrosé les fleurs sur la terrasse. Mes larmes ont coulé toutes seules ».
Le duo Jarrie-Morel avait déjà produit un chef d’œuvre avec l’album « Hyacinthe et Rose » paru il y trois ans chez Thierry Magnier. En voici un nouveau, édité ce coup-ci par Les Fourmis Rouges, nouvelle maison déjà bien remarquée dans le paysage éditorial.
Un album à ne pas manquer, à s’offrir et à faire partager.
« La vie des gens ». Texte de François Morel. Illustrations de Martin Jarrie. Editions Les Fourmis Rouges. 18,50€