A 15 ans Farrukh est le barreur d’une équipe de huit rameurs. Tous s’entrainent sur un lac plusieurs fois par semaine, portés par le projet fou du jeune garçon qui rêve de voir son équipe participer aux prochains Jeux Olympiques. Sous un aspect gracile, Farruk a de l’énergie à revendre et se sent prêt à abattre tous les obstacles pour porter au devant de la scène internationale les couleurs de son pays. Il a même réussi à faire venir de France un bateau de compétition. Il force l’admiration de son père qui partage avec lui son goût pour la littérature et la culture françaises.

Ses espoirs et ses projets vont pourtant être balayés par une nouvelle donne incontournable: l’arrivée de ses premières règles qui exclut définitivement Farruck du cercle masculin et le renvoie à sa condition de femme. Redevenue Farrukhzad, son prénom de naissance, cette bacha posh doit tout oublier de ses années de garçon et se réapproprier instantanément son identité féminine.

Et en Afghanistan être une femme est synonyme du pire: rester cloitrée chez soi, porter la burqa, être chaperonnée par un homme pour sortir, obéir à son mari, enfanter et renoncer à toute vie personnelle. Farrukhzad doit du jour au lendemain abandonner ses projets sportifs, laisser en plan son équipe et quitter son ami Sohrab. Farrukhzad doit aussi oublier ses tête-à-tête avec son père et apprendre les gestes que les femmes doivent connaître. A la maison c’est désormais à sa petite soeur de changer d’identité et de devenir à son tour une bacha posh…

Cette coutume ahurissante et incompréhensible pour les occidentaux est dans ce roman abordée dans toute sa complexité : cette négation d’identité, toute barbare quelle soit, permet paradoxalement à ces femmes cachées de s’émanciper, de s’instruire parfois et de goûter un peu à la liberté. Malheureusement, la mascarade n’a qu’un temps et cette vie possible entrevue, Farrukhzad ne voudra pas y renoncer, quel qu’en soit le prix.

Si le roman pèche parfois par un style un peu maladroit à mon goût, sa lecture n’en reste pas moins passionnante et édifiante. Elle apporte un éclairage cru sur une coutume encore taboue dans ce pays meurtri par les guerres, rongé par l’analphabétisme et l’obscurantisme.

C’est à lire à tout prix à partir de 13 ans et évidemment sans limite d’âge.

« Bacha Posh ». Par Charlotte Erlih. Editions Actes Sud Junior. Collection Romans Ado. 13,50 €