Comme tous les autres enfants, Camille attend avec impatience le jour de la photo de classe.
C’est que c’est important une photo pareille; ça se garde tout le temps et ça fait des souvenirs pour toute la vie. Camille aimerait bien pour une fois être celle qu’on voit au milieu, et qui tient la petite ardoise. Mais elle est toujours placée en bas, dans le coin à droite.
C’est comme dans la cour de récré, où Camille ne fait partie d’aucun groupe, ne partage aucun jeu avec les autres élèves.
Même en sport, elle se retrouve systématiquement la dernière à être choisie dans une équipe, comme si on l’oubliait toujours un peu…
C’est que Camille fait partie de ces enfants discrets, effacés, presque transparents que personne ne remarque.
La preuve une fois encore avec le photographe qui ce jour-là oublie carrément de l’appeler pour se placer sur la photo.
« Le photographe s’est tourné vers moi, abasourdi, il n’en revenait pas. Il m’avait oubliée sur le côté ! Il a bredouillé quelques excuses et m’a demandé de m’installer en bas, à droite ».
C’en est trop pour Camille qui décide de s’enfuir de l’école. « Ni vu ni connu. C’est bien là le problème ».
Quelqu’un finira-t-il par remarquer son absence ?
Autant vous le dire tout de suite, si les illustrations de Dedieu sont au poil évidemment, le texte de Gilles Baum est une vraie pépite, une petite merveille de justesse et d’émotion.
En faisant parler la petite Camille elle-même, l’auteur cisèle des phrases au plus près de son ressenti, rendant son malaise et sa timidité palpables.
Le texte sonne juste, avec beaucoup de retenue et reste toujours à hauteur d’enfant sans rien concéder au style et à la grâce de l’écriture.
Vous dire encore que la petite Camille est génialement représentée par une petite caméléone (le mot ne doit pas exister mais tant pis), c’est pourquoi vous aurez tant de mal à distinguer sa silhouette transparente et gracile dans les illustrations, tant elle semble se fondre dans le décor pour mieux se faire oublier.
Mais peut-on vraiment se sentir quelqu’un si l’on n’a pas le regard de l’autre pour nous faire exister ? C’est là toute la jolie problématique de cet album subtil, porté par un texte tout en nuances et les illustrations délicates d’un Dedieu, une fois encore surprenant par ses teintes un peu sépia, ses jeux de transparence et sa touche légèrement vintage.
Quel beau duo et quel bel album que je vais m’empresser de conseiller dès 4 ans !
« Camille est timide ». Texte de Baum. illustrations de Dedieu. Editions Seuil Jeunesse. 12,90€