Un extraterrestre est envoyé sur Terre pour prendre la place d’un éminent scientifique, Andrew Martin. Ce dernier vient de résoudre une complexe équation mathématique et la divulgation de cette découverte risque de précipiter la perte de Vodonniens eux-mêmes. L’émissaire missionné est donc chargé de détruire toutes les preuves scientifiques et toutes les personnes qui ont pu, de près ou de loin, avoir eu vent de cette recherche.

Mission facile a priori pour cet extraterrestre hyper évolué qui a une bien piètre opinion des humains: des êtres repoussants (tous ces poils, ces protubérances et ces trous sur le visage … beurk !) , uniquement guidés par l’appât du gain. Des spécimens sous-développés, qui ne connaissent pas la téléportation, qui s’accrochent à leur petite existence misérable en noyant leur peur de la mort sous une consommations effrénée de biens périssables. Ceux-là même qui polluent et conduisent leur planète à sa propre perte …

« Les magazines sont très appréciés ici bien qu’aucun humain ne se soit jamais senti mieux après en avoir lu. Au contraire, leur fonction principale est de générer chez les lecteurs un sentiment d’infériorité qui les poussent à acheter quelque chose, ce qu’ils font, après quoi il se sentent encore plus mal, ce qui les pousse à acheter encore plus de magazines pour voir ce qu’ils pourront acheter ensuite. C’est une perpétuelle spirale de malheur qui porte le nom de capitalisme, et se trouve remporter l’adhésion populaire ».

Notre clone va devoir malgré tout s’accommoder des codes humains:  les vêtements, la façon de se saluer et autres conventions sociales donnent lieu à une entrée en matière proprement hilarante.

Il va également faire connaissance de sa femme Isobel, passablement dépressive et de son fils ado Gulliver, lui-même passablement suicidaire, et tous deux visiblement très lassés de ce mari et de ce père accaparé uniquement par ses recherches scientifiques.

Evidemment, la mission va s’avérer bien plus compliquée que prévue, notre extraterrestre prenant peu à peu goût à quelques plaisirs  terrestres (notamment le beurre de cacahuète) et commençant à considérer plus positivement le genre humain. La sollicitude inquiète de sa femme -pas si moche que ça quand on s’habitue- commencerait-elle à faire son chemin ?

Car s’il y a une chose que le clone d’Andrew Martin n’avait pas prévu, c’est bien la force des sentiments, notamment celui que les humains appellent « amour » et qui semble pouvoir tout emporter sur son passage.

« Tout ce que je sais c’est que l’amour est une chose effrayante. Et que les Humains en ont une peur bleue: c’est pour cela qu’ils ont Questions pour un Champion. Pour penser un peu à autre chose. L’amour est effrayant parce qu’il vous attire avec une force intense. C’est un trou noir supermassif qui ne ressemble à rien de l’extérieur mais à l’intérieur remet en question toutes les choses raisonnables que vous savez ».

Faites-moi confiance et plongez donc dans ce roman jubilatoire, vous ne le regretterez pas ! La critique acerbe de notre société de consommation est contrebalancée par l’émouvante transformation de cet extraterrestre qui expérimente malgré lui la fragilité et la beauté des sentiments humains.
Ce roman d’anticipation très réussi, à la fois drôle, incisif et pétri d’humanité ravira les ados à partir de 14-15 ans et bien sûr les adultes.

C’est un vrai coup de coeur à la librairie !

« Humains ». De Matt Haig. Traduction de Valérie le Plouhinec. Editions Hélium. 15.90 €

 « Sans Nouvelles de Gurb ». De Eduardo Mendoza. Editions Points. 6.30€